Le Denali, Amérique du Nord, Alaska
Mai 1997
Seconde expédition en cette année 1997, après le succès sur l'Aconcagua en Amérique du Sud, au mois de Janvier. Destination le continent Nord Américain, et le territoire sauvage de l'Alaska. Une région que je connais pour m'y être déjà rendu en 1994 pour tenter l'ascension du Denali, mais sans succès, j'avais alors dû renoncer à quelques deux cent mètres du but pour des raisons d'ordre physique.
Le mont Mac Kinley, du nom de l'ancien gouverneur de l'Ohio et futur président des Etas-Unis William Mc Kinley, appelé aussi Denali en langue locale athapascane, est le point culminant de l'Amérique du Nord, situé en Alaska, dans la chaîne de l'Alaska Range. Il se trouve à deux cent kilomètres de la ville d'Anchorage au nord, et à deux cent soixante kilomètres de Fairbanks, au sud-ouest, et atteint 6194 mètres d'altitude. La première ascension a lieu le 7 Juin 1913 par l'expédition menée par l' archidiacre Hudson Stuck. Le premier à atteindre le sommet est un amérindien d'Alaska, Walter Harper. Deux autres compagnons les y rejoignent : Harry Karstens et Robert Tatum. En 1951, a lieu la première ascension par la West Butress Route, dirigée par Bradford Washburn. Depuis ces premières ascensions, environ 1200 personnes atteignent le sommet chaque année, et 80% empruntent cette fameuse West Buttress. Cependant, ce sommet reste une entreprise d'envergure et dangereuse avec un taux d' échec de près de 50%. En 2003, la montagne avait déjà couté la vie à près de cent alpinistes, depuis les toutes premières tentatives d'ascensions.
Le mont Denali possède une élévation supérieure à celle du "toit du monde", l'Everest, bien que ce dernier le dépasse d'environ 2700 mètres, mesure prise au niveau de la mer. La base de l'Everest se trouve sur le plateau tibétain, à environ 5200 mètres d'altitude, représentant une élévation verticale de 3600 mètres. La base du mont Denali se trouve quant à elle à 700 mètres d'altitude sur un vaste plateau, et représente donc une élévation verticale de 5500 mètres. On dénombre cinq glaciers qui descendent les pentes du "Denali", certains atteignant 70 à 80 kilomètres de long.
Nous remonterons, nous, le glacier Kahiltna au sud-ouest, pour ensuite effectuer l'ascension par l'arête Ouest, avec le passage de quelques ressauts glaciaires d'environ 45°, passages équipés de cordes fixes. Durant la période estivale, le soleil rayonne pendant 22 heures et il n'est pas rare d' avoir des températures supérieures à 0°. La saison hivernale, elle, est très rigoureuse, et les températures atteignent souvent les - 40°, le record ayant été établi à - 73°.
Après notre arrivée à Anchorage, où nous effectuons les derniers achats de matériels pour cette expédition, nous rejoignons en bus le "beautiful downton de Talkeetna", petit village de trappeurs, à l'entrée du parc national du "Denali". Là, nous nous rendons au bureau des Rangers afin de nous faire enregistrer et retirer notre permis d'ascension, indispensable pour ce sommet. Ils nous donnent aussi de précieux conseils sur l'itinéraire que nous allons emprunter et nous fournissent des radios qui nous permettrons d'obtenir chaque jour les infos météos indispensables pour mener à bien l' ascension. Nous rejoignons ensuite notre "bunkhouse", petit lodge où sont hébergées une bonne partie des expéditions venues du monde entier pour affronter ce sommet.
Le 18 Mai, nous nous envolons à bord d'un "De Havilland" pour survoler de magnifiques régions isolées, durant 45 minutes, et atterissons ensuite sur le glacier de Kahiltna, à environ 2000 mètres d' altitude, aux pieds des monts Foraker (5304 mètres) et Hunter (4442 mètres). Nous nous équipons de raquettes à neiges, chargeons nos pulkas d'environ 30 à 35 kilos de matériels, et nos sacs à dos avec environ une quinzaine de kilos. Autonomie totale pour cette ascension où nous utiliserons du pétrole pour faire fonctionner nos réchauds pour le préparation des repas, les cartouches de gaz habituelles gelant par ces températures extrèmes. Nous nous encordons ensuite les uns aux autres, afin de progresser en toute sécurité sur ce vaste glacier. La première étape sera courte, afin de nous familiariser avec cette technique d' approche, raquettes aux pieds et pulka à tirer, et nous mettre un peu à l' écart de la piste d' atterrissage des avions et autres hélicoptères. Il nous faudra préparer notre campement, en creusant la neige pour y installer nos tentes-dômes, et les protéger des violentes rafales de vent et des tempêtes de neige qui surviennent très rapidemment sur ce sommet. Les repas seront préparés à base de produits lyophilisés, ce qui permet un gain de poids dans les pulkas. Il faudra donc à chaque étape répéter le cérémonial de la fonte de neige à l'aide de nos réchauds, pour ensuite préparer potages, pâtes et autes plats cuisinés.
Le second jour, nous atteignons le camp 2, vers 2900 mètres d'altitude. Et répétons les mêmes gestes pour installer nos tentes et nous mettre rapidemment à l'abri. Chacune de ces étapes représente environ 5 à 6 heures de progression sur glacier, auxquelles il faut rajouter 1 heure 30 à 2 heures d'installation de camp et de préparatifs aux repas.
Le 20 Mai, l'étape nous mène au camp 3 à 3440 mètres d' altitude, et en fin d'après-midi, vers 18 heures, nous montons au Kahiltna Pass vers 3900 mètres, pour y déposer vivres et matériels que nous enfuissons dans une petite galerie de neige et que nous retrouverons dans les prochains jours. Les conditions météo sont difficiles avec un fort vent. Nous redescendons ensuite au camp 3, pour y passer une bonne nuit de repos.
Le 21 Mai, longue montée vers le camp 4 à 4100 mètres, où nous arrivons vers 22 heures, après 7 heures de rudes efforts et moult péripéties. Le jour quasi permanent à cette période de l'année nous permet de choisir ce genre d'horaires. La progression avec la luge est rendue très délicate au vu du terrain traversé ( pentes en dévers, itinéraire en glace...). Les températures dans la nuit avoisinnent déjà les - 20°...
Le jour suivant, nous faisons une courte étape puisque nous rejoignons le camp 4 médicalisé par les Rangers, vers 4300 mètres. Là, ils ont installé un véritable camp de base avec liaisons radio et téléphoniques et poste avancé de secours. Il n'est d'ailleurs pas rare d'assister aux rotations des hélicoptères qui viennent évacuer des alpinistes victimes du mal des montagnes ou bien encore de gelures profondes. Cette nuit au camp 4 médicalisé est difficile avec le vent fort qui souffle et la neige qui s'infiltre dans la tente.
Le 24 Mai, nous effectuons un nouveau portage de vivres et de matériels, cette fois-ci jusqu' à 4900 mètres. Nous empruntons ce jour-là un itinéraire équipé de cordes fixes, délaissant désormais nos raquettes à neige au profit de nos crampons et de nos piolets. Ces différents allers-retours sur la montagne permettent à nos organismes de bien s'acclimater à l' altitude.
Le lendemain, nous remontons le long de ces cordes fixes, nous atteignons le col à 4900 mètres où nous récupérons vivres et matériels laissés là la veille. La progression crampons aux pieds se poursuit sur ces pentes de glace et de neige jusqu' au camp 5 situé à 5420 mètres d' altitude que nous atteignons vers 21 heures. Le même rituel s'instaure: pendant que certains d'entre nous installent les tentes, d'autres commencent à faire fondre de la neige pour pouvoir préparer le dîner.
Le 27 Mai, c' est le jour "J".
Nous quittons le confort de ce camp 5, vers 12 heures, pour entamer l' ascension finale. Nous n'emportons dans nos sacs à dos que le strict nécessaire pour cette ultime étape. Le portage devient en effet, à cette altitude de plus en plus délicat. Les foulées se font de plus en plus courtes, le souffle est lui aussi ralenti par le fait que nous atteignons déjà des altitudes élevées. Deux de mes compagnons de cordée seront contraints de renoncer au sommet, pourtant désormais si proche, en raison de problèmes d'ordre physique, expérience que j'avais vécue en 1994, sensiblement au même endroit, vers 6000 mètres d'altitude, c'est à dire à moins de 200 mètres du but, mais à environ 3 heures du sommet...
Notre équipe atteindra donc ce prestigieux sommet ce 27 Mai 1997, aux environs de 21 heures, dans un décor absolument fabuleux avec une vue sur les immenses glaciers de l'Alaska Range et sur les sommets environnants. Nous passerons quelques précieux instants là-haut, à 6194 mètres d' altitude, à savourer cette victoire sur le "Denali", puis redescendrons rejoindre nos malheureux compagnons de cordée, rentrés avant nous au camp 5.
Et un cinquième sommet en poche !!